Yessis n Teryel

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Amuggar n Teqbayliyin - Forum des femmes kabyles

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    La vaillance des femmes kabyles, selon Camille L.-Dujardin

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    La vaillance des femmes kabyles, selon Camille L.-Dujardin Empty La vaillance des femmes kabyles, selon Camille L.-Dujardin

    Message par Admin

    Camille Lacoste-Dujardin rend hommage au forum Yessi n Teryel



    «Le recours à teryel est désormais revenu d'actualité, jouissant même d'une certaine popularité comme arme féminine symbolique à tous niveaux sociaux, au village comme à la ville ou en émigration: certaines l'emploient individuellement comme pseudonyme, ou collectivement, par exemple dans l'intitulé d'un «forum de femmes kabyles», «la fille de l'ogresse» (Yessis n-teryel)34.» (p.144)

    ---- 34. Accueilli par le site Tamazgha.fr et dont l'initiatrice est Louisa.
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    louisa

    Message Mar 12 Aoû - 20:51 par louisa

    Azul,

    Voici une critique du livre de Camille Lacoste-Dujardin, suivie d'un commentaire d'un(e) internaute. Bonne lecture.

    _____________________________________________________________________


    De la guerre des sexes en Kabylie
    Ethnologie, Anthropologie
    La vaillance des femmes kabyles, selon Camille L.-Dujardin 4091792cbe6922da55cd8fa63deb069e-0
    La vaillance des femmes. Les relations entre femmes et hommes berbères de Kabylie.
    Camille Lacost-Dujardin
    Éditeur : La Découverte

    165 pages / 16,15 € sur

    Résumé :Rendre compte de la résistance des femmes kabyles. Telle est l’initiative de ce livre au positionnement et à l’argumentation sujets à caution.

    Mathieu FONVIEILLE


    La vaillance des femmes kabyles, selon Camille L.-Dujardin 697213554a1e716fd37efdddc0e6e133-0


    Sortir du schéma classique de la "domination masculine" (à commencer par celui de Pierre Bourdieu) qui présente les femmes comme d’éternelles soumises, est au fondement de La vaillance des femmes, dernier ouvrage de Camille Lacoste-Dujardin. L’ethnologue, spécialiste du monde berbère, entend pour cela mettre en avant les "réels contre-pouvoirs" féminins[url=https://yessis-n-teryel.1fr1.net/javascript:// Montrer la note] [/url] présents au sein de cette société patriarcale et rurale qu’est la Kabylie. Contre-pouvoirs qui seraient autant de garde-fous leur assurant une place socialement reconnue.

    La première partie de l’ouvrage présente cette "résistance qui s’est muée en contre-attaque". L’auteur fonde son propos sur l’étude des contes féminins et sur la fonction des rites magiques, notamment agraires, qui feraient admettre aux hommes la nécessaire complémentarité sociale des deux sexes. Camille Lacoste-Dujardin insiste également sur les "manipulations de la parenté", résistances institutionnalisées, que sont par exemple l’endogamie ou la "parenté de lait", permettant aux femmes de contourner les règles patriarcales en matière de filiation et de mariage. La seconde partie de l’ouvrage traite quant à elle de la place des femmes dans ces sociétés berbères de la conquête arabe à nos jours – les évolutions et les différences parmi les peuples kabyles – tout en présentant de grandes figures féminines, mythiques ou historiques.


    L’ogresse Teryel dans les contes kabyles

    Dans un premier temps, l’ethnologue cherche donc à montrer comment "les rapports entre hommes et femmes de Kabylie se trouvent mis en scène, interprétés, organisés et donnés à comprendre"[url=https://yessis-n-teryel.1fr1.net/javascript:// Montrer la note] [/url] dans les contes villageois. Plutôt que de faire l’inventaire de ces récits, évoquons celui qui intéresse principalement l’auteur, celui de l’ogresse Teryel. L’analyse que fait Camille Lacoste-Dujardin de cette figure et de ses fonctions sociales et symboliques révèle en effet aussi bien la démarche que les écueils dans lesquels tombe la spécialiste. Teryel est "une femme ogresse, indépendante et sans homme"[url=https://yessis-n-teryel.1fr1.net/javascript:// Montrer la note] [/url], "personnification de l’anti-femme"[url=https://yessis-n-teryel.1fr1.net/javascript:// Montrer la note] [/url] car refusant la sacro-sainte fécondité (l’élément structurant et garant de la viabilité de ces sociétés en permanence soumises au risque de l’oliganthropie et au manque de denrées agricoles). Anthropophage, inaptes aux fonctions féminines légitimes, Teryel servirait à "activer les peurs archaïques des auditeurs". Il s’agirait de socialiser les enfants afin de parvenir à la crainte des autres femmes chez les garçons et d’inculquer aux jeunes filles leur futur rôle de "résistantes". Ces contes permettraient donc de faire planer la menace d’une "rébellion des mères"[url=https://yessis-n-teryel.1fr1.net/javascript:// Montrer la note] [/url], de rappeler que les femmes détiennent le pouvoir suprême, celui permettant la reproduction de la société.


    Des doutes sur le positionnement et la méthode

    On l’aura compris, la démarche de l’ethnologue laisse dubitatif ; ambiguïtés et raccourcis interprétatifs apparaissent souvent dans cette étude fonctionnelle et herméneutique des contes. En réalité, Camille Lacoste-Dujardin fait feu de tout bois pour étayer une thèse un peu forcée. Elle n’hésite pas à réaliser des comparaisons un peu trop rapides avec les autres sociétés méditerranéennes traditionnelles, en premier lieu avec les sociétés grecques antiques. Au demeurant, les mythes grecs ne visent-ils pas à mettre en avant la dimension sauvage de la femme, que l’homme seul peut canaliser afin de la ramener du côté de la "culture" et d’assurer ainsi la pérennité de la société ? L’ogresse kabyle n’est-elle pas justement l’illustration qu’en dehors de la domination masculine, point de salut social ni de civilisation ?

    Également, et c’est une ambiguïté supplémentaire, Camille Lacoste-Dujardin oppose, sans explication, contes féminins supposés être les outils de la résistance et mythes masculins (narrant quant à eux l’origine du patriarcat) qui constitueraient une réaction à la puissance symbolique des récits des femmes. Mais ne peut-on pas y voir plutôt un fil d’Ariane ? Les contes féminins ne seraient-il pas plutôt une préparation aux mythes masculins qui, d’après l’auteur elle-même, ont une "fonction sacralisée de credo"[url=https://yessis-n-teryel.1fr1.net/javascript:// Montrer la note] [/url] ? Cette architecture symbolique et cohérente permettrait in fine une légitimation du contrôle social des hommes sur la procréation et donc sur la filiation, malgré les improbables "manipulations de la parenté" que l’ethnologue présente comme une preuve irréfutable de la résistance féminine.


    Une thèse controversée dans les milieux scientifiques

    Évoquons à ce sujet l’article de Pierre Bonte portant sur la pratique de l’ "enfant endormi" dont parle Joël Colin, qui souligne la fragilité de ces explications théoriques, et notamment celles faisant de cette maternité particulière une résistance des femmes. Cette fragilité peut tout à fait s’appliquer à l’ensemble de l’étude de Camille Lacoste-Dujardin : par exemple, comment faire de la "parenté de lait"[url=https://yessis-n-teryel.1fr1.net/javascript:// Montrer la note] [/url] un contre-pouvoir féminin institutionnalisé, subversion de l’ordre patrilinéaire, alors qu’il s’agit d’un moyen de limitation de l’endogamie, très forte caractéristique des Kabyles ? Des critiques similaires portant sur l’approche de Camille Lacoste-Dujardin sont également évoquées dans d’anciennes recensions, comme celle de Jeanne Favret dans un numéro de L’Homme de 1971 (volume 11, n°2).


    Un ouvrage qui laisse songeur

    Même si l’ouvrage est à recommander à ceux qui désirent investir la question des relations de genres dans une société méditerranéenne traditionnelle comme la Kabylie berbère – leurs évolutions et leur historicité sont plutôt bien rendues –, il laisse cependant songeur à plus d’un titre. Et au bout du compte, il ne reste que bien peu de cette vaillance des femmes, tant vantée tout au long du livre. Camille Lacoste-Dujardin nous propose clairement une lecture téléologique de la résistance des femmes, au sens de la recherche des ferments de l’émancipation féminine et des résistances contemporaines des Kabyles. En somme, une lecture ethnocentrée d’un improbable "féminisme traditionnel". L’auteur le concède d’ailleurs elle-même : les femmes mythiques (telle Dihya face aux Arabes au VIII° siècle par exemple) n’ont de place que dans des circonstances exceptionnelles. Malgré la taille modeste de l’ouvrage, l’impression que l’ethnologue tente de faire ployer la réalité sociale kabyle à sa thèse ne disparaît jamais vraiment.


    --------------


    1 commentaire


    10/08/08 00:50
    dans un livre precedent, des meres contre des filles, CLD , qui a longuement fait du "terrain" en kabylie ( plus que Bourdieu) revient à l'occasion d'une ceremonie de mariage kabyle , pour rendre les meres responsables du sort des filles donc des femmes ! encore une émule de germaine tillion! Bourdieu n'a fait que constater un fait universel , valable dans un village kabyle ou à Manhattan, c'est que l'ordre(social pour lui, patiarcal pour moi) se reconvertit pour s'amenager et s'adapter aux nouvelles donnes sociales, c'est la scolarisation, le passage de l'agraire à l'industriel , tertiare, la mobilite geographique, l'exogamie, le mariage hors du clan kabyle ou de la tribu islamique universalisée ...etc qui font que les Teryel : sans homme, sans enfant , hors du joug des hommes sont de plus en plus acceptées.
    la vaillance des femmes kabyles, c'est comme la force des femmes quebequoises : une obligation au service d'hommes minorises
    louisa

    Message Mar 12 Aoû - 20:54 par louisa

    Azul,


    Je recopie ici l'article mis en hyperlien dans le texte précédent concernant la croyance de l'enfant endormi.

    __________________________________________________
    Pierre Bonte

    Joël Colin, L’enfant endormi dans le ventre de sa mère. Étude ethnologique et juridique d’une croyance au Maghreb


    Préface de Camille Lacoste-Dujardin. Perpignan, Centre d’études et de recherches juridiques sur les espaces méditerranéen et africain francophones/Presses universitaires de Perpignan, 1998, 384 p., bibl., gloss., index, tabl. (« Revue d’histoire des institutions méditerranéennes » 2).


    La croyance est quasi générale en islam que les grossesses peuvent se prolonger bien au-delà de neuf mois, et que l’enfant peut être porté par sa mère durant des périodes de deux à sept ans selon les régions et les écoles. Les écoles juridiques musulmanes ont en effet codifié et interprété ces grossesses prolongées, qui sont conçues non pas comme « miraculeuses » mais comme relevant de causes « naturelles », et nous informent sur les représentations de la procréation et de l’embryogenèse.

    L’ouvrage que consacre Joël Colin à ce thème commence par une minutieuse enquête dans le domaine du droit (fiqh), enquête d’autant plus éclairante que la casuistique joue un rôle important dans l’élaboration de celui-ci et nous fournit, par l’intermédiaire des fatwa (réponses circonstanciées d’un juriste à une question), de nombreux exemples de cette croyance. La position des écoles varie d’ailleurs quelque peu. Les malékites fixent à cinq ans la période maximale de grossesse, et se réfèrent volontiers au fait que le fondateur de cette école, le Médinois Mâlik ibn Anas, aurait été lui-même porté trois ans par sa mère. Ils renvoient par ailleurs explicitement à une pratique coutumière (‘urf) qui semble avoir été plus particulièrement répandue à Médine. C’est, au reste, de Médine qu’est issu al-Shâfi‘î, le fondateur de l’école chaféite, qui fixe une durée maximale de quatre ans, en tentant de rapporter cette croyance à la « tradition » prophétique. En fait, les fondements scripturaires sont faibles : le Coran ne donnant d’indications, indirectes, que sur la durée minimale de la grossesse (six mois), ce sont quelques hadith (traditions rapportées) qui sont invoqués à l’appui de cette croyance. La position des autres écoles apparaît en conséquence plus hésitante (les hanbalites, par exemple, oscillent entre deux et quatre ans) ; seuls, cependant, les zahirites rejettent cette idée de grossesse prolongée et maintiennent la durée maximale de la gestation à neuf mois.

    C’est au Maghreb, région où Joël Colin a poursuivi son enquête, que cette idée d’un allongement de la durée de la grossesse au-delà de la période normale est la plus forte. Le Mi‘yar, recueil de fatwa
    rassemblé au milieu du xive siècle, à Fès, par Ahmed al-Wansharîsi, cite plusieurs exemples de grossesse de sept ans, celle, par exemple, de l’épouse d’un homme tué à la bataille de Tarif en 1340. La croyance s’appuie sans nul doute sur l’influence malékite dominante au Maghreb, mais aussi, relève l’auteur, sur des représentations locales préislamiques, vraisemblablement berbères. Elle prend un tour particulier : l’idée d’un « enfant endormi » (bû mergûd) pour une période plus ou moins longue dans le ventre de sa mère. Joël Colin consacre de longs développements, où la casuistique alimente la réflexion, à l’évolution de cette croyance dans le contexte du droit colonial et postcolonial.

    La troisième partie de l’ouvrage, « Éléments d’ethnologie et essais de théorisation », est d’un intérêt plus inégal. L’énumération des « fonctions » que peut remplir cette croyance (éviter les naissances illégitimes, fonder la filiation paternelle, assumer la stérilité, exprimer un désir d’enfant…), pas plus que l’étude détaillée d’un exemple contemporain, ne nous fournissent l’interprétation théorique vers laquelle nous orientent pourtant certaines des données présentées.

    Joël Colin distingue expressément l’expression maghrébine de ces représentations (« l’enfant endormi ») et leur contenu classique qui se réfère à un hadith attribué au calife ‘Umar, compilé par Mâlik ibn Anas. Consulté à propos d’une grossesse de cet ordre (une femme veuve et remariée donne naissance, quatre mois et dix jours après ce remariage, à un enfant qu’elle attribue au défunt), et après avoir consulté les femmes âgées, celui-ci conclut que l’enfant, conçu par le premier mari, s’est desséché (« son enfant s’est desséché », fa hashsha waladu ha) après le retour des règles, et que le sperme du second mari a réalimenté le fœtus qui a repris sa croissance jusqu’à maturité.

    Certaines des données citées par l’auteur amènent à relativiser les différences entre les exemples maghrébins et classiques. Une autre fatwa, d’origine andalouse et datant de 796, rapportée dans le Mi‘yar, se réfère aux arguments du hadith de ‘Umar : l’enfant « se contracte » dans la matrice par suite du retour du sang menstruel ou en l’absence de rapports sexuels, puis se ranime et grandit grâce à de nouveaux rapports ou à l’interruption des menstrues. Dans le Sous berbère marocain, l’enfant amexsur est un enfant « abîmé », « détérioré », voire « malade » – parfois à cause du « mauvais œil » –, dont la croissance se poursuit après la reprise des rapports sexuels, fût-ce avec un autre homme que le père ; il en est de même en Kabylie, au Sahara à Tabelbala, etc.

    On se trouve donc devant un ensemble de représentations qui renseignent plus généralement sur la conception et l’embryogenèse. La transformation du sang menstruel en sang nourricier, dans la tradition de Galien, est cohérente avec la vision coranique de l’embryogenèse à partir de la croissance d’un caillot de sang. L’idée du sperme nourricier est exprimée clairement, à Médine, à travers la notion de ghayla, interdiction de la mise en nourrice, le lait nourricier véhiculant des apports masculins extérieurs, alors que les rapports sexuels sont autorisés, voire conseillés, durant l’allaitement et la grossesse. Il est intéressant de rapprocher cette notion des représentations médinoises de la grossesse prolongée qui inspirent le malékisme et le chaféisme. Il est notable aussi, à travers le débat sur la ghayla engagé par le Prophète lui-même, qu’à La Mecque cette notion soit traitée à l’inverse1 – permission de mise en nourrice, interdiction des rapports sexuels pendant l’allaitement et la grossesse –, ce qui témoigne de la complexité des représentations en ce domaine. Joël Colin, et c’est bien dommage, n’explore pas ce thème susceptible d’apporter des éclairages nouveaux sur les apports féminins et masculins relevant de cette « transmission des fluides » dont Françoise Héritier2 a montré le rôle constitutif dans les conceptions de la personne et de la parenté. La spécificité du cas maghrébin pourrait alors correspondre à l’importance accordée aux apports féminins dans la société berbère, que l’on observe aussi dans le monde touareg.

    Notes

    1 Cf. Édouard Conte, « Choisir ses parents dans la société arabe. La situation à l’avènement de l’islam », in Pierre Bonte, s. dir., Épouser au plus proche. Inceste, prohibitions et stratégies matrimoniales autour de la Méditerranée, Paris, Éditions de l’EHESS, 1994 (« Civilisations et sociétés »).
    2 Françoise Héritier, Masculin/féminin. La pensée de la différence, Paris, Éditions Odile Jacob, 1996. [Cf. Emmanuel Terrray, « La pensée de la différence », L’Homme, janv.-mars 1997, 141: 131-136.]



    Pour citer cette recension

    Pierre Bonte, Joël Colin, L’enfant endormi dans le ventre de sa mère. Étude ethnologique et juridique d’une croyance au Maghreb. Préface de Camille Lacoste-Dujardin. Perpignan, Centre d’études et de recherches juridiques sur les espaces méditerranéen et africain francophones/Presses universitaires de Perpignan, 1998, 384 p., bibl., gloss., index, tabl. (« Revue d’histoire des institutions méditerranéennes » 2)., L'Homme, 156, Intellectuels en diaspora et théories nomades, 2000
    http://lhomme.revues.org/document2752.html

    Pierre Bonte



    CNRS, Laboratoire d’anthropologie sociale, Paris.

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