Yessis n Teryel

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    Nadia Zouaoui : Regard simpliste ou entreprise revancharde ?

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    nora

    Nombre de messages : 14
    Date d'inscription : 01/01/2007
    02012007

    Nadia Zouaoui : Regard simpliste ou entreprise revancharde ? Empty Nadia Zouaoui : Regard simpliste ou entreprise revancharde ?

    Message par nora

    Nadia Zouaoui est la réalisatrice et scénariste d’un documentaire sur la femme kabyle, Le Voyage de Nadia, projeté le 28 octobre passé à Montréal dans le cadre du Festival du monde arabe.

    Nadia Zouaoui : Regard simpliste ou entreprise revancharde ? Nadia_10

    Nadia est une Kabyle vivant au Québec depuis 18 ans. Elle y est arrivée à l’âge de 19 ans. Elle est venue rejoindre son mari, un immigrant algérien déjà installé au Canada et qui, le moment du mariage venu, est parti au pays se chercher une « vierge ». C’est du moins ce qu’elle affirme lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, de la télévision de Radio-Canada diffusée ce dimanche 5 novembre 2006. Une émission qui draine environ deux millions de téléspectateurs pour une province qui compte sept millions d’habitants !

    Depuis, Nadia a fait son chemin.

    Documentaliste de son état, elle vient donc de réaliser un documentaire dans son village natal, à Tazmalt en Kabylie, où elle « traite » de la condition de la femme kabyle.

    Il ne s’agit pas ici de commenter le film, je ne l’ai pas encore vu.

    En revanche, ses propos à ladite émission m’ont profondément interpellée, embarrassée.

    Si Nadia s’était contentée de conter son expérience personnelle, je n’aurais rien trouvé à en dire. Si elle s’était contentée de rendre compte de son documentaire, en mettant de l’avant toute la partialité d’un tel travail, qui ne peut prétendre rendre compte d’une réalité sociale dans toute sa complexité et sa diversité, elle aurait fait preuve d’une éthique professionnelle que pareille entreprise exige. Et je n’aurais rien à en redire.

    D’autant plus que, comme Nadia, je suis très sensible à la réalité de la condition de la femme kabyle. Une réalité que je peux prétendre connaître aussi bien qu’elle, si ce n’est un peu mieux. Tout comme Nadia, je viens de Kabylie. Tout comme Nadia, j’ai autour de la quarantaine. Nadia n’a pas revu la Kabylie depuis dix huit ans. Moi, j’y reviens cet été. Elle l’a quittée à 19 ans. Moi, à 35 ans.

    Il n’est pas question ici d’étaler mon parcours de vie. De toutes les façons, il n’intéresserait aucunement Nadia. Il ne correspond pas à l’idée qu’elle se fait de la femme kabyle. Et les portraits de victimes ont une plus grande valeur marchande.

    Ce qui est choquant dans son discours, c’est le manque d’humilité, la prétention et la malhonnêteté intellectuelle dont elle a fait preuve lors de cette émission.

    L’identité est ce point aveugle du miroir, dit la psychanalyse. Nadia a la prétention de s’en saisir. Et de l’étaler en plein public, non pas dans un effort de compréhension, de dépassement de soi et de remise en cause. Ses propos sentent une revanche sur un passé auquel elle n’a pas réglé son compte. Mais cela, ne concerne que son moi profond, en espérant que les plateaux télé l’aident à s’en délester et à se sentir mieux.

    Il n’est pas question non plus d’appeler à la censure. La création doit rester libre de toute considération. Encore qu’un documentaire n’en a pas totalement ces privilèges. Son documentaire interpelle, interprète le vécu des Kabyles et de la Kabylie. Il peut donc, à son tour, être soumis à une demande de reddition de comptes.

    J’attends de voir si la fibre esthétique de Nadia va au-delà de la tentation voyeuriste et du frémissement sordide que provoque le viol de l’intimité, celle d’une société montagnarde, non habituée aux artifices, aux faux-semblants et aux parades de séduction.

    Nadia a beaucoup parlé de virginité, d’honneur, de violence, d’enfermement et de crimes d’honneur. Il n’est pas question de faire dans le déni de la réalité. L’obligation de virginité tourne à la névrose collective en Kabylie. Mais Nadia, dans sa prétention à généraliser à toute la Kabylie, sait-elle qu’en Kabylie, les filles ont ouvert des voies insoupçonnables pour contourner cette fatalité ?

    Quant à l’enfermement, en dehors de certaines poches sociales (notamment parmi les grandes familles maraboutiques ou de la bourgeoisie), l’enfermement des femmes est un « mensonge sociologique », puisqu’en Kabylie, les femmes kabyles, c’est connu, travaillent à l’extérieur, et ce depuis la nuit des temps. Nadia le sait-elle ?

    Sur la violence, Nadia rassure qu’en Algérie, les lois existent. Les femmes n’y font pas appel, car elles ont peur. C’est de la faute à la culture kabyle, l’islam n’a rien à y voir, tonne-t-elle.

    Le crime d’honneur, que Nadia dit se pratiquer en Kabylie plus qu’ailleurs en Algérie, a pratiquement disparu de Kabylie. Le dernier qui en a défrayé la chronique locale remonte à 2001 et concerne....une histoire de voisinage ! Rien à voir avec l’honneur des femmes !

    Les Kabyles, qui ne sont pas plus suicidaires que les autres peuples, se contentent, aujourd’hui, de renier la fille fautive au pire des cas. Ou déposent l’enfant de la honte à l’assistanat public. Même celles qui osent garder leur enfant, la loi les empêchent de lui donner un nom, une dignité. Nadia sait-elle que cette loi est une loi algérienne, qui s’inspire de la charia ?

    Il a fallu que ce soit un des invités, le chanteur P. Bruel, pour rappeler l’existence de cette loi moyenâgeuse qu’est le code de la famille

    Nadia sait-elle que, au tout début du multipartisme en Algérie (1998-1990), c’est en Kabylie (à Tizi-Ouzou et à Bgayet) que les seules grande manifestations de femmes contre le code de la famille et pour leurs droits...eurent lieu dans ce pays kabyle ?

    Sait-elle qu’en Kabylie, des femmes militantes, avec des moyens dérisoires, essaient depuis plus d’une dizaine d’années à mettre en place des cellules d’écoute, de l’aide psychologique et juridique ? Que la demande dépasse de loin les modestes moyens ? Que l’État ne les aide pas du tout, si ce n’était quelques ONG internationales ?

    Nadia sait-elle que la clinique gynécologique et obstétrique de Tizi-Ouzou porte le nom de Nabila Djahnine, militante féministe assassinée par les islamistes ?

    Des femmes qui luttent en Kabylie, cela existe.

    Mais cela, Nadia l’a compris, ne fait pas vendre.

    Il fallait frapper fort l’imagination d’un auditoire qui venait de découvrir que Kaboul, c’est en Kabylie. Il fallait faire fort : la course aux financements de projets en Amérique du Nord est ardue, concurrentielle, impitoyable. Et tellement précaire ! Je ne sais pas si Nadia a gagné sa prochaine bourse. Une chose est sûre : elle a les dents longues, acérées. Et la réflexion, courte !

    Il n’est pas question non plus de lui dénier de se chercher les réseaux et les soutiens qu’elle estime nécessaires pour accomplir ce qui, apparemment, lui tient à cœur.

    Mais quelques interrogations s’imposent d’elles-mêmes.

    Se faire parrainer par le Consulat algérien est sûrement confortable. Et Nadia, ambitieuse qu’elle parait, doit sûrement savoir que certaines « liaisons » sont dangereuses !

    Parader avec son documentaire dans le cadre du Festival du monde arabe risque déjà de heurter beaucoup de Kabyles. Elle doit le savoir. Mais de cela, elle doit un peu beaucoup se moquer. Des Kabyles créatifs, inventifs, qui en ont dans le ventre, il y en a. Mais ils refusent de se brader par fidélité aux leurs et à leur patrie, la Kabylie, opprimés, agressés, assassinés par le Pouvoir algérien, la tutelle de son parrain. De cela aussi, elle doit un peu beaucoup se moquer.

    Que Nadia s’improvise « journaliste » ou « scénariste », elle est libre, si elle estime avoir les compétences requises. Mais qu’elle se dise une « féministe » qui a envie de libérer les femmes kabyles, elle est bien vaniteuse, puérile et « malhonnête » dans sa démarche. Et inconsistante.

    Pour cela, il aurait fallu qu’elle regarde ailleurs que dans son miroir : dans l’histoire, la sociologie et la réalité politique contemporaine de la Kabylie. Lire, cela lui aurait permis de dépasser sa petite vérité au profit d’un regard distancié, et donc plus objectif.

    D’ailleurs, que dit-elle, Nadia, de sa petite histoire ? Pas grand-chose, au bout du compte ! Elle ne peut même pas prétendre à l’effet de démonstration. Elle s’est juste servie des histoires des autres.

    Si Nadia était de bonne foi, elle aurait compris que si les histoires personnelles font partie de l’Histoire, elles ne font pas l’Histoire. Pour le coup de la féministe qui veut libérer les femmes kabyles, Nadia a de la hauteur à prendre. Et « les hauteurs se méritent » !

    Qu’elle s’improvise « analyste » de la réalité de la femme et de la culture kabyles, devant les caméras canadiennes, elle est bien prétentieuse, elle qui n’a pas remis les pieds en Kabylie depuis dix-huit longues années. La réalité kabyle ne se limite pas au seuil de la ruelle de son village. Et elle n’a pas ouvert beaucoup de livres sur la Kabylie d’aujourd’hui.

    La question des droits des femmes est particulièrement importante dans la société québécoise, très attachée aux droits des femmes et où le lobby féministe est des plus puissants.

    Nadia ne pouvait mieux choisir son sujet. Et le consulat, aussi. Il fallait bien qu’il organise la contre-attaque. Ferhat Mehenni vient trop souvent au Québec. Et les Kabyles du Canada peuvent avoir la mauvaise idée d’avoir des idées.

    Me concernant, j’appelle mes compatriotes à aller voir le film. Il sera projeté dans les salles de cinéma à partir du 17 novembre, au cinéma du Parc (Montréal) et à la Maison du cinéma à Sherbrooke.

    Et d’ouvrir le débat avec la réalisatrice, en espérant qu’elle ait la délicatesse d’aller à la rencontre du public.

    Nora L. - 06/11/2006



    Nora.l@hotmail.com


    Source: http://www.kabylienews.com/article.php3?id_article=3745
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    avatar

    Message Ven 10 Aoû - 4:01 par taninna

    Excellente analyse que celle-ci mais quid du reportage en question ? quelqu"un(e) l'a t il vu ?
    Je n'en ai entendu parler qu'une ou deux fois en termes négatifs mais j'avoue que je serais curieuse de lire des avis de personnes l'ayant vu
    Tanemmirt
    Tan'

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